J’adore les histoires. 
Elles permettent de faire passer des messages très profonds en peu de mots et se fixent facilement dans notre mémoire.
Elles nous rappellent également que nos problèmes particuliers ont souvent une résonance universelle…
Voici une trilogie, racontée par un moine aux jeunes mariés afin de prévenir les principales difficultés qui ne manquent jamais de survenir au cours d’un mariage ou d’une relation durable.

 

Le cochon engagé

« Mon point de vue pour ce qui est des relations de couple, est le suivant. Quand on sort ensemble, on est seulement impliqués ; quand on se fiance, c’est encore une implication peut être un peu plus étroite ; mais lors des vœux du mariage, échangés publiquement, il s’agit d’un engagement.
C’est là le sens de la cérémonie de mariage. Pendant la cérémonie, pour bien faire comprendre aux gens le sens de cet engagement, et pour que cela reste dans leur esprit durant toute leur vie, j’explique que la différence entre être impliqué et être engagé est la même que celle qu’il y a entre les œufs et le bacon.
A ce moment là, les belles familles et les amis commencent à tendre l’oreille : ils se demandent quel rapport il peut bien y avoir entre les œufs au bacon et le mariage. Je leur explique.
« Dans les œufs au bacon, la poule est seulement impliquée, tandis que le cochon, lui est totalement engagé. Puisse donc ce mariage être un mariage de cochons ! » »

 

Le canard et le coq (Etre heureux ou avoir raison)

« Voici ce qui était l’une des histoires favorites de mon maître Ajahn Chah, grand moine du nord est de la Thaïlande.
Une belle soirée d’été après le dîner, un couple récemment marié part en promenade en forêt. Tout se passe merveilleusement bien jusqu’à ce qu’ils entendent un cri d’animal dans le lointain. « Coin, coin ! »
« Tu entends ? » dit la femme. « Ce doit être un coq »
« Non, non , c’est un canard » dit le mari.
« Non, je suis sûre que c’était un coq » dit la femme.
« C’est impossible. Les coqs font « cocorico », tandis que les canards font « coin, coin ». C’est un canard, ma chérie », dit il avec un début d’irritation.
On entendit de nouveau « coin, coin ! »
« Tu vois c’est un canard » dit-il.
« Non chéri. C’est un coq, j’en suis certaine », affirma t-elle s’accrochant à son idée.
« Ecoute femme ! c’est un canard. C-A-N-A-R-D, un canard ! Finiras tu par comprendre ? » dit il avec colère.
« mais c’est un coq » protesta t-elle.
« je te dis que c’est un canard, espèce de…de… »
Mais on entendit encore « coin, coin ! » avant qu’il ait eu le temps de proférer des insanités.
La femme était presque en pleurs : « mais c’est un coq ! »
Le mari vit les larmes apparaître au coin de l’œil de sa femme. Il finit par se rappeler pourquoi il l’avait épousée. Il se radoucit et dit gentiment : « pardon, chérie, je crois que tu as raison. C’est bien un coq ».
« merci, chéri », dit elle en serrant plus fort sa main dans la sienne.
« coin, coin ! », entendit-on à travers la forêt, pendant qu’ils continuaient leur promenade, en amoureux retrouvés.
 
Ce que le mari avait fini par comprendre était que, coq ou canard cela n’avait aucune importance. Autrement importante était l’harmonie de leur couple, et de ne pas gâcher leur promenade pendant une aussi belle soirée d’été. Combien de mariages se brisent pour des raisons aussi insignifiantes ? Combien de divorces pour de bêtes histoires de coqs et de canards ?
Cette histoire nous incite à nous souvenir de ce qui est prioritaire pour nous. Le mariage compte plus que de savoir si on a affaire à un coq ou un canard. Par ailleurs, combien de fois étions nous convaincus d’avoir raison, de façon certaine, positive et absolue, et de nous rendre compte ensuite que nous avions complètement tort ? Qui sait peut être était ce un coq génétiquement modifié pour pousser le cri du canard !

(pour respecter l’égalité des sexes, et faire en sorte que ma vie de moine garde sa sérénité, chaque fois que je raconte cette histoire, j’échange les rôles entre celui ou celle qui dit que c’est un canard et celui ou celle qui dit que c’est un coq.) »

Les amoureux aux colombes_Raymond Peynet

La reconnaissance

« Il y a quelques années de cela, après une cérémonie de mariage à Singapour, le père de la mariée prit à part son nouveau gendre. Il souhaitait lui donner des conseils sur la façon de rendre leur mariage durable et heureux.
« Sans doute aimez vous beaucoup ma fille », dit-il au jeune homme.
« Oh oui ! », soupira le jeune marié.
« Et sans doute pensez vous que c’est l’être le plus merveilleux au monde », continua le vieil homme.
« Elle est si parfaite, à tous points de vue ! », roucoula t-il.
« C’est ainsi que l’on voit les choses quand on se marie », reprit le beau père. « Mais après quelques années, vous commencerez à voir les défauts de ma fille. Quand vous vous en apercevrez, mon cher gendre, je veux que vous vous souveniez bien de ceci : si elle n’avait pas eu ces défauts dès le départ, elle aurait pu se marier avec quelqu’ un de bien mieux que vous ! »
On devrait toujours avoir de la reconnaissance pour les défauts de notre partenaire. Sans ces défauts, il ou elle aurait pu trouver quelqu’un de bien mieux que nous.« 
 
Ces trois histoires sont extraites de « La sagesse du moine, 108 histoires sur l’art du bonheur », Ajahn Brahm, Editions Almora.
Le cochon engagé et autres histoires
Étiqueté avec :                
X